Filmé par un quidam, diffusé et relayé par les médias et les réseaux sociaux du monde entier, l’odieux assassinat commis l’an passé à l’encontre d’un afro-américain, George Floyd, par un agent de police s’inscrit dans la tradition de violence que subissent les Noirs depuis leur arrivée forcée sur le sol américain au 17ème siècle. Cet énième abus répressif fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et donna naissance au mouvement Black Lives Matter lequel rencontra un vif écho international, particulièrement dans les pays concernés par le vivre- ensemble interracial. On aurait pu penser que la Suisse, vierge de passé colonial et peu sujette aux clashs intercommunautaires serait épargnée par cette lame de fond et les nombreux et passionnés débats qu’elle a entraînés. C’était sous-estimer l’élargissement de la communauté noire sous nos latitudes, consécutif à une migration africaine s’étant accélérée depuis trois décennies, et par extension, de l’importance prise par la problématique des relations interraciales dans notre société.

L’intégration des colonial studies dans plusieurs universités de notre pays, ainsi que le rebaptême d’une place publique dans le courant de l’année 2018, au motif que celle-ci rendait hommage à un scientifique du siècle passé prônant des thèses racistes étaient autant de signes avant-coureurs de la nécessité du débat sur les effets du pluriethnisme dans notre pays. Le meurtre de George Floyd a servi d’accélérateur à ce mouvement, ainsi qu’en témoigne, quelques jours après l’événement, le lancement d’une pétition en faveur du déboulonnage de la statue d’un mécène emblématique du 18ème siècle, accusé d’avoir bâti une partie de sa fortune à travers la traite négrière.

L’auteur de cet essai a étudié les arts graphiques, puis les beaux-arts et la théologie à l’université de Neuchâtel. Père de trois enfants métis, au bénéfice de plus de quarante ans d’expérience au cœur des relations entre Noirs et Blancs, J. Yves Mougin entend démystifier les écueils identitaires et s’attaquer aux raisonnements néfastes qui portent préjudice aux rapports que sont appelés à développer les individus issus de ces deux groupes. Après une analyse des fondements de ces positionnements et des impasses auxquelles ils conduisent, ce livre vise à formuler des propositions pour transcender les obstacles et construire des relations saines entre des populations désormais confrontées au vivre-ensemble.